Amanda Palmer, artiste hors-pair, héroïne du TEDx sur l’art de demander (12 millions de vues), a gagné notre prix familial de l’innovation qui vient récompenser les initiatives disruptives pour sortir les entreprises de la crise.
Amanda est connue pour avoir introduit le don comme nouveau business model : un jour qu’elle donnait gratuitement sa musique, elle reçut en retour plus d’1,2 million de dollars de 25 000 donateurs différents sur Kickstarter. Cette artiste, qui allaite son fils Ash en concert à Vienne (la ville de feu Sigmund Freud), bouleverse les codes artistiques et du business.
Elle a aujourd’hui gagné notre trophée face à deux hommes progressistes qui aiment aussi les artistes : Jacques Attali et Matthieu Pigasse. Laissez-moi vous conter l’histoire de cette victoire à la fois excitante et éprouvante.
Il était une fois une famille parisienne qui, pour rester soudée, déserta la Ville Lumière pour se confiner au beau milieu des prés. Afin de demeurer unie sans s’étriper, elle inventa le jeu du So what ? Le principe est le suivant : nos trois enfants (11, 18 et 20 ans), tels des orpailleurs sur le bord de rivières sinueuses au fond des forêts vierges, fouillent l’actualité en quête de "pépites" : posts disruptifs, articles out of the box, éditos piquants, etc. C’est ensuite qu’en famille nous tirons le fil pour en faire émerger des innovations, l’espoir imprimé sur nos pupilles d’aider nos entreprises à sortir de cette crise.
Matthieu Pigasse, l’ex-banquier voltigeur de Lazard propose une solution de rupture exaltante
Ma fille Tiffany, en bonne aînée, ouvre le bal et propose l’interview de Matthieu Pigasse qui lance en pleine crise sa société de conseil pour États en crise. Elle aime ce millionnaire quinqua habillé comme un homme du peuple. L’ex de Lazard, banquier voltigeur le jour, sauve la nuit tel un Zorro des médias comme Radio Nova. "Il doit être incorruptible ce nouvel observateur du monde !" nous exclamons-nous tous en cœur.
Matthieu n’est pas contre l’endettement "perpétuel" de la BCE (celui qu’on ne rembourse jamais je présume…?). Tiff flaire le bon filon et se convainc de la victoire haut la main de son champion du soir : "Et pourquoi pas des prêts à taux 0 pour les PME, ad vitam æternam ? C’est une innovation de rupture, l’essayer c’est l’adopter ! Même si l’hiver économico-sanitaire dure 100 saisons, PME ne vous faites pas de mouron, endettez-vous et faites le dos rond !" Quelle est belle la créativité financière de l’international des banques centrales capitalistes… Et puis, l’idée est innovante, tentante, exaltante même ! "C’est un peu comme si on marchait sur la dette."
Sa sœur cadette est toutefois réservée. Cassant l’enthousiasme de son aînée, Saskia assène d’un ton ferme : "Cette solution est un peu Y a qu’à faut qu’on. Et elle a tout d’un piège abscons !" (1)
Jacques Attali, l’ex-jeune conseiller du président des français ébranle notre bonne conscience en parlant cash du manque de cash des artistes
Le bâton de parole en main, Saskia, qui rêve d’être actrice, continue ce tour de chauffe en déversant un jerrycan d’essence sur le feu : "Que restera-t-il du spectacle vivant ?" s’exclame-t-elle en écho à la dernière chronique de Jacques Attali, dont voici un extrait : "On dit trop souvent, à tort, que la récession économique qui s’annonce est due à une préférence de la vie sur l’économie ; et que c’est cette préférence qui a provoqué le confinement, et la crise qui en découle. En réalité, ce n’est pas une préférence pour la vie qui conduit, partout dans le monde, à choisir de se confiner, mais la volonté de ne pas donner le spectacle de malades qu’on n’aurait pas le moyen de soigner."
Mazette ! Jacques n’y va pas par quatre chemins ! On l’adore ou on le déteste ce coquin, mais il a le mérite d’oser écrire bien haut dans ses éditos ce que beaucoup n’osent même pas penser tout bas : tout est une affaire d’image. Il faut dire qu’à peine sorti de la puberté il conseillait déjà le président des français.
Le processus de "pétage de plomb" nécessaire à l’idéation est relancé ! Tiffany pète d’ailleurs un câble : "Ça sous-entend quoi cette distinction ?"
Et Saskia qui répond : "Tu es trop sensible Tiffany, ça doit te venir de papa… Je te rappelle qu’il faut bien mourir de quelque chose, ainsi va le karma. Et n’oublie pas que je positive pour m’attirer les bonnes lois de l’attraction. On n’a évité que des morts pré-ma-tu-rées. En se prenant pour les grands manitous de l’univers, à tout interférer, on va le payer. Jacques nous dit subtilement que l’art vivant est l’essence de la vie, un essentiel, pas un accessoire. À quoi bon survivre confiné si c’est pour ne plus vivre en vrai ?"
No limit, bravant l’improbable (car tout est imaginable), elle conclue : "Pour trouver le bon filon, il faut s’inspirer de l’extrême-onction : il y aura des fermetures durables avec cette crise, il faut accompagner la fin de sites, d’époques, d’équipes, pour que leurs derniers jours soient une apothéose et non une sinistrose."
Amanda Palmer réenchante notre débat avec son art de demander sans quémander, de solliciter sans faire pitié
Quel brio ! Mais ce rituel familial, quasi managérial, part douloureusement en live. Ma femme insiste pour inclure le fiston dans la réflexion. "Et toi Clovis, qu’est-ce qui t’inspire ?"
Lui qui sort les yeux exaltés du concert de Travis Scott sur la scène de Fortnite, qui aura réuni plus de 12 millions de gamers, répond : "Jacques, au lieu de faire payer la gratuité, devrait donner. Moi, c’est le post d’Amanda sur Insta où elle écrit sur sa main ‘If art has ever helped you, help artists now’ qui me plaît. C’est très cash de demander aussi simplement du cash. Elle ose demander sans quémander. Elle montre qu’on peut aimer donner sans ressentir de la pitié, et recevoir sans se sentir minable."
OMG, je suis fier de mon rejeton ! Presque 12 ans et déjà les idées de son père. Il faut en profiter, dans peu de temps il me trouvera peut-être dépassé ou trop sentimental…
Heureux d’attirer l’attention, il surenchérit : "Amanda va faire se retourner Jean de la Fontaine dans sa tombe. Lui qui n’a pas arrêté de nous dire que la cigale et la fourmi étaient ennemies pour la vie, qu’il fallait choisir entre vivre heureux une saison ou se réjouir de durer tristement. Le poète aurait eu du mal à expliquer comment Amanda la cigale a pu trouver 15 000 fourmis enchantées de la financer chaque mois pour l’écouter hiver comme été."
Un (business) angel passe. Peut-être alléché par l’odeur d’une innovation de rupture autour du don…?Cette envie de contribution généreuse est contagieuse, elle va toucher toutes les entreprises. Leurs élans de bonté lors du confinement, visibles chaque soir sur BFM TV, vont se transformer hors-caméra en de nouveaux soutiens envers leurs fournisseurs. Leur mettre la tête sous l’eau, le couteau sous la gorge ou les genoux à terre, feront partie des lois du passé à jamais oubliées. Les ‘success fees’ vont se généraliser pour aligner les intérêts, les délais de paiement se réduire durablement… non par pitié, mais pour bâtir des relations de qualité.
Par son post, Amanda a déclenché cet espoir communicatif et a gagné notre challenge ! And so what ?
Chères PME, comme Amanda, demandez mais ne quémandez pas. Restez dignes et, confiantes, espérez de vos clients qu’ils n’abuseront pas de leur ‘bargaining power’ dans vos rounds de négociation. Peut-être préféreront-ils le mieux-disant au moins-disant pour maximiser leurs intérêts dans la durée plutôt que dans l’instantané ?
Attention amis acheteurs que j’ai conseillés dans le passé : la compassion pour vos fournisseurs les plus vulnérables n’est pas de la pitié, mais de l’estime. Pas de pitié pour la pitié ! qui est dangereuse comme tout le monde le sait (2).
Ayons plutôt confiance dans cet ancien dicton toujours d’actualité, et remis au goût du jour par Amanda, Matthieu et Jacques : "Demandez et vous recevrez" (3). Notre famille a sincèrement aimé ce ‘trio de l’impromptu’ que nos trois héros du jour constituent. Merci de continuer à nous inspirer.
(1) En psychologie, le piège abscons est une situation irrationnelle dans laquelle on continue d’investir à perte, pensant que chaque nouvelle perte permettra de rattraper les précédentes.(2) La pitié dangereuse, Stefan Sweig
(3) Jésus de Nazareth
Sentimentalement vôtre, et à la semaine prochaine
Crédit photo : © D.R.
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