top of page
Photo du rédacteurLudovic Herman

En attendant une solution médicale, le facteur humain est la seule solution contre la pandémie

La réunion du 12 mars des experts scientifiques, diffusée sur les réseaux sociaux et même dans Gala, annonce sans ambages qu’il existe "un risque de saturation rapide des services de réanimation due à la dynamique épidémique exponentielle et aux durées de séjours prolongées (2 à 3 semaines)".  Elle enchaîne avec cette analyse projetée : "si on laisse le virus se propager dans la population, étant donné sa forte transmissibilité, on s’attend à ce qu’au moins 50% de la population soit infectée après une ou plusieurs vagues épidémiques (Andreson et al 2020), pour un niveau de mortalité estimé entre 0,5 et 1% cela correspond à des centaines de milliers de morts en France avec une surmortalité importante due à la saturation des services de réanimation". 


C’est ce qui s’appelle parler "cash" en entreprise. Sans surprise, on peut dégager les quatre variables de l’équation à résoudre. Deux variables "hard" qui dépendent du médical :


  • Variable 1 : Baisse de la durée d’identification d’un vaccin ou d’un remède

  • Variable 2 : Augmentation de la capacité des services de réanimation là où il le faut  


Et deux variables "soft" pour ralentir la hauteur et la vitesse de la vague épidémique, qui dépendent du comportement de chacun d’entre nous :


  • Variable 3 : Augmentation de l’application des mesures barrières 

  • Variable 4 : Diminution voire suppression des contacts entre humains


L’avis des scientifiques insiste sur les variables soft. La note annonce "Tout dépendra de l’adhésion de la population aux mesures de contrôle… l’adhérence des populations est essentielle à l’efficacité de intervention, il est primordiale que l’intervention remporte d’emblée l’adhésion de la population". 


CQFD, le problème "médical" a muté en un problème de comportements humains, un sujet de culture, de valeurs, de calcul individuel,… i.e. de tout ce qui guide nos comportements. De plus comme le mot LIBERTE figure en premier sur tous nos frontons. Y toucher, même temporairement, ce n’est pas coton.  


Je propose du fond de mon confinement, n’ayant plus de client à servir, d’exposer mon analyse de la situation pour j’espère contribuer modestement à l’améliorer.

 

Santé et sécurité vont souvent de pair en entreprise. Travaillant sur la culture sureté (celle des installations) et culture sécurité (celle des personnes), je vous livre mon analyse professionnelle de ce sujet qui nous touche tous à un niveau personnel. 


Pour améliorer la sécurité de leurs salariés, les entreprises savent qu’au-delà du "hard" l’amélioration des installations, le "soft", le facteur humain est la clé des progrès.


Logiquement elles posent des règles qui sauvent, découragent leur transgression par la sanction et les dirigeants travaillent à éradiquer les croyances dangereuses (notamment le fatalisme) pour changer les comportements. 


L’exécutif français mène en ce moment sur le COVID 19 une démarche très proche à celle d’une entreprise. A partir d’une analyse froide, rationnelle, factuelle, probabiliste de la situation actuelle elles alimentent une mobilisation chaude, émotionnelle, personnelle des dirigeants de la France pour gagner l’adhésion des français.  


Analysons donc la méthode suivie comme on le ferait pour les dispositions de sécurité que prendrait une entreprise pour la sécurité de ses salariés. 


Pour faire adopter les bons comportements en sécurité, les entreprises agissent sur deux leviers :


  • Levier 1 : Réussir à faire sens pour faire adhérer. Si le salarié s’approprie le raisonnement, le fait sien, c’est gagné. Dans notre cas si le bien fondé de rester chez soi est partagé alors chacun se confinera drastiquement, volontairement et immédiatement et même l’imposera à ses enfants adolescents.

  • Levier 2 : Réussir à rendre gagnant le comportement désiré. Dans notre cas, si le citoyen a plus intérêt à se confiner qu’à transgresser, c’est gagné. Si le "what’s in it for me", la relation coût/bénéfice personnel est évidente, alors il sera logique de confiner car nous y aurons intérêt.


Le Levier 1 est lui le fruit de plusieurs conditions : nous ferons nôtre le raisonnement du gouvernement si :


  1. Nous avons fortement confiance dans les émetteurs de ce raisonnement (politique et scientifique). Cette confiance est fonction de notre perception de leurs compétences, leur exemplarité et leur bienveillance

  2. Nous croyons dans la solidité de ce raisonnement. Cela dépendra des preuves et des liens logiques qui supportent leurs conclusions

  3. Nous adhérons aux valeurs et imaginaires associés aux discours car ils raisonneront avec notre fond culturel, paradigmes… qui nous touchent émotionnellement positivement


Le levier 2 est plus mathématique, il est le résultat d’un calcul qui se résume à une question simple : le bénéfice (social, financier,…) à se conformer est-il supérieur au coût que j’anticipe en particulier celui du risque que j’encoure si je le transgresse ? Le risque est lui-même le produit de deux variables : la probabilité d’être "choppé" et le coût des conséquences (amendes, critique sociale), le "pas vu pas pris" ça existe aussi en sécurité.


Un dirigeant à un premier choix : décider du levier à mobiliser prioritairement : le levier 1 donner du sens à l’adhésion au confinement ou le levier 2 donner intérêt à se confiner ?  Les pays totalitaires eux n’y vont pas par quatre chemins car comme on dit "à la guerre comme à la guerre, alors pas de quartier quand on le patrouille".  


Ma perception de la situation sur ces deux leviers suite à l’analyse du discours du président de la République, Emmanuel Macron, le 16 mars et du bombardement d’info et blagues sur les réseaux sociaux est la suivante :


Levier 1.1 : la confiance dans les émetteurs (Gouvernement et Scientifiques) est meilleure qu’attendue. Pas de remise en cause de leurs compétences ni de soupçon sur leur exemplarité (pas de passe droit, pas de délits d’initiés des politiques en France…) et les médecins sont au "front" et non critiqués. Idem, le doute ne plane pas sur leur bienveillance à notre égard, ils souhaitent le meilleur pour nous tous ; en tout cas éviter le pire. Ceci est une très bonne nouvelle : souvenons-nous "qu’avant", la confiance dans les politiques était bien faible et qu’une proportion croissante de français hésitait à faire vacciner leurs enfants ! 


Levier 1.2 : la solidité de l’argumentation est forte mais achoppe sur deux paradoxes mineurs mais réels.


La logique implacable de l’épidémie avec ses courbes exponentielles et ses projections qui se réalisent de jour en jour est extrêmement solide. Mais la démonstration est affaiblie par deux éléments dont la logique m’échappe sincèrement.


  • L’organisation du premier tour sur l’ensemble du territoire national et non que sur une partie fragilise l’argumentation. Alors que la situation sanitaire était extrêmement différente en France d’une région à l’autre la même décision s’est appliquée partout ! Ce n’est pas du rationalisme mais du Jacobinisme. Si le risque était zéro en Alsace au premier tour on aurait pu maintenir le second tour dans les régions moins touchées. Mais s’il n'était pas nul en Alsace alors était ce imprudent de les autoriser à voter. Que dire aujourd'hui au gros quart de votant de Mulhouse ? Vous étiez courageux ou téméraire de vous retrouver au bureau de vote ? 

  • Le maintien des bureaux de tabac …dans la liste des commerces essentiels. Dans une pathologie ou les patients meurent d’une insuffisance pulmonaire c’est pour le moins surprenant ! Alors pourquoi donc laisser les tabacs ouverts si la guerre sanitaire est déclarée ?

Levier 1.3 : adhérer à l’imaginaire du discours du Président de la République.


Le discours du 16 mars a véhiculé au moins deux imaginaires et trois valeurs qui tels des images subliminales résonnent avec nos visions profondes du monde 


Le premier imaginaire fût celui de la catastrophe éphémère de type tsunami ou cyclone : exceptionnel, violent mais…temporaire.   


  • Jamais la France n'avait dû prendre de telles décisions - évidemment exceptionnelles, évidemment temporaires - en temps de Paix. Elles ont été prises avec ordre, préparation, sur la base de recommandations scientifiques avec un seul objectif : nous protéger face à la propagation du virus.  


Le second imaginaire fut celui de la guerre, avec le front (soignants).


  • Nous sommes en guerre. La Nation soutiendra ses enfants qui, personnels soignants en ville, à l’hôpital, se trouvent en première ligne dans un combat qui va leur demander énergie, détermination, solidarité. Ils ont des droits sur nous. 


Avec un corpus de trois valeurs : 


1. La reconnaissance de l’effort (des services public) du devoir (des votants) et des sacrifices  :

  • Je veux ce soir remercier les services de l'Etat, les maires, l’ensemble des services des mairies, tous ceux qui ont tenu les bureaux de vote et qui ont donc permis l’organisation de ce scrutin. 

  • Je veux aussi saluer chaleureusement les françaises et les français qui, malgré le contexte, se sont rendus aux urnes… 

  • Renoncer à voir ses proches, c'est un déchirement ; stopper ses activités quotidiennes, ses habitudes, c'est très difficile

 

2. La culpabilisation des inconscients qui ont "bravé" les consignes :

  • Mais dans le même temps, alors même que les personnels soignants des services de réanimation alertaient sur la gravité de la situation, nous avons aussi vu du monde se rassembler dans les parcs, des marchés bondés, des restaurants, des bars qui n’ont pas respecté la consigne de fermeture. Comme si, au fond, la vie n’avait pas changé. 

 

3. La demande de responsabilisation :


  • Même si vous ne présentez aucun symptôme, vous risquez de contaminer vos amis, vos parents, vos grands-parents, de mettre en danger la santé de ceux qui vous sont chers. 


Associé à ce discours engageant la batterie de mesure vise à rendre économiquement possible le confinement temporaire et à sanctionner les "inconscients" tentés de croire qu’ils sont encore libres de leurs mouvements en ces temps de guerre. 


Voici en guise d’ouverture du débat quelques étonnements qui m’inquiètent sincèrement :


  • La stratégie de communication guerrière est construite sur une hypothèse fragile …celle d’une guerre rapide, éclair. On attend "le pic qui doit arriver la semaine prochaine ! avec son imaginaire qu’après son passage il partira rapidement", on parle en jours (15 minimum) cela ressemble tant à 1914 ou cela ne devait durer que quelques semaines… Faudrait-il annoncer désormais la couleur de la pluralité des vagues, que le sprint se transformera en marathon ? 


  • Le discours entier omet le sujet des tests de "dépistage", cette omission est un silence assourdissant. C’est un handicap dans notre système de défense. Les coréens, les allemands testent massivement, quand serons-nous aidés par les autres pays alliés pour nous aider sur ce flan vulnérable ? 


  • La culpabilisation est une arme très dangereuse, si on l’encourage, qui peut se retourner contre ses émetteurs. Chercher le coupable chez les autres est une telle spécialité française, surtout en tant de guerre, que cela fait froid dans le dos. Tant que les forces de police donneront l’exemple en ne se confinant pas dans les mêmes véhicules, tant qu’elles patrouilleront à plus d’un mètre les unes des autres, tant qu’elles porteront des masques même à l’air libre. Tant qu’elles ne sanctionneront que professionnellement, sans ajouter comme dans le si bon livre d’Alice Miller "c’est pour ton bien", tout ira bien.



Crédit photo : © rawpixel/Pixabay

Comments


bottom of page