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#Financeforgood ou quand des entreprises donnent tant, sans rien dépenser

Photo du rédacteur: Ludovic HermanLudovic Herman

L’alchimie financière a-t-elle été inventée ? Pour répondre à cette question qui intéresse les CFO, sans cesse à l’affût pour réduire les coûts fixes qui plombent les comptes de l’entreprise et les transformer en richesses, je dois remonter le temps. Il y plus de trente ans, ma mère Chantal, une grande brune aux yeux verts et au sourire sincère nous sidéra, mon frère Renaud et moi, un soir d’hiver. Elle rentra à la maison accompagnée d’un clochard portugais frigorifié !

 

Ce remake de la belle et le clochard, version ‘brut’, saisit d’abord nos narines, je me souviens encore des effluves émanant du monsieur. Nous apprîmes que dix minutes plus tôt, notre mère lui avait adressé la parole dans la rue en lui disant : « Vous ne pouvez pas rester là, il fait si froid, vous allez mourir, il faut partir ». « Non merci », lui aurait-il répondu poliment. Elle avait alors ajouté « Si vous n’avez nulle part où aller, voulez-vous venir diner à la maison pour au moins vous réchauffer ? ». Face à cette femme qui le considérait comme un être humain, alors que tout le monde voyait en lui un être "vilain", il avait accepté.

 

Ma mère l’invita à se laver pendant qu’elle lançait une machine à laver. Il ne lui confia que son anorak alourdi pas des dizaines de pièces, mais pas de cran d’arrêt (ce couteau qui me fascinait). Il resta longtemps dans notre petite salle de bain et après un diner chaud, incapable d’imaginer qu’il reparte mourir dehors, nous étions plutôt embarrassés de la suite à donner. Il nous demanda alors si nous avions… une cave, soulageant ainsi mon frère et moi de savoir qui, de nous deux, offrirait son lit s’il décidait de rester. « Oui et elle est même très chauffée » répondîmes-nous sincèrement avant d’y descendre en famille pour l’installer sur un lit de camp. Après un dilemme entre l’enfermer à clé pour sa sécurité ou laisser ouvert pour sa liberté, on laissa, avec son accord, notre cave individuelle ouverte et fermâmes l’accès aux caves qui aurait attiré l’attention.

 

Le lendemain matin, aux aurores, avec un thermos de café et l’anorak qui avait séché, il nous dit qu’il avait tellement apprécié qu’il aimerait s’y installer les nuits suivantes. Pourquoi pas ? Quelle bonne idée, pensais-je déjà motivé pour l’aider à survivre dans de meilleures conditions. Mais soucieux de trouver une solution médiane avec nos voisins, nous sollicitâmes la gardienne, Madame da Silva. Alors que nous nous attendions à une médiatrice empathique en cette période d’étrennes nous rencontrâmes une accusatrice catégorique. Elle le méprisa en « version originale » de faire honte à ses racines et l’intima en « version française » de déguerpir et de ne jamais revenir en nous fusillant du regard comme si nous étions des apprentis sorciers de la bonté. Ainsi s’arrêta l’initiative des « caves du cœur », initiée fortuitement par ma mère. Notre invité d’un soir ne revint jamais dans le quartier. S’il a survécu et si, par miracle, il lit ces mots qu’il me contacte car cette histoire n’est pas terminée.

 

Je vous raconte cette histoire car j’ai découvert un article surprenant sur LinkedIn qui ne professe ni leçons et ni vainqueurs. Il met simplement à l’honneur les bureaux du cœur où un dirigeant top, Pierre-Yves, offre son bureau, la nuit, à Souleymane un « homeless » (dit-on aux US) qui rebondit.

 

De mon côté, je reste perturbé par ces expériences, car depuis mon plus jeune âge, je pensais que donner… coûtait. Je considérais même que la générosité était proportionnelle aux euros engagés. L’initiative des bureaux du cœur me montre que loger un invité SDF ne coûte rien, fait indéniablement du bien et économise beaucoup d’euros à la collectivité. En bref, on peut se montrer très généreux sans mettre la main au portefeuille.

 

En effet, pourquoi donne-t-on si souvent ? France Gall, qui me manque tant, me répondrait avec son célèbre refrain « Tout donner, C'est la seule façon d'aimer, Donner pour donner, C'est la seule façon de vivre…». Certes France, mais pourquoi l’entreprise, dénommée par ailleurs « personne morale » (c’est un comble !), ne donnerait-elle pas sans rien attendre en retour ? Pourquoi ces organisations rationnelles toujours en compétition, qui ne vivent pas de donations et qui payent des taxes à foison, donneraient sans espérer collecter par exemple, de la publicité ou de la notoriété ? Elle me répondrait peut-être « Ludo c’est pour ne pas gâcher des dons car dans la vie tu sais bien que ‘tout ce qui n’est pas donné est perdu' ». Merci à Antoinette Seillière, que je salue ici, car c’est d’elle que j’entendis, pour la première fois, ce dicton indien qui m’inspire encore aujourd’hui.

 

Je crois que les entreprises dont les dirigeants et managers qui pratiquent à longueur d’année cette chasse au gaspi devraient sauter sur l’occasion de faire des dons, car « oui », un don est perdu à jamais quand on ne l’a pas réalisé. Par timidité, par distraction, on n’y a pas pensé ou on y a renoncé parce qu’on nous a appris dès le plus jeune âge « qu’être trop bon… c’est être trop con ». Certains dons ont en plus le don de viralité. Ils vous contaminent, en vous donnant envie d’en faire autant comme à Lydia Meziani avec celui-ci. Un cercle vertueux, voire un effet papillon, peut toucher le monde entier. Cet élan généreux s’achève sur des receveurs « immunisés » car ils ont certainement été trahis dans le passé. Ils vous disent, sincères, que cet arbre de générosité cache une forêt d’intérêts cachés ! Leur dicton à eux c’est « there is no such thing as a free lunch », rien n’est gratuit dans la vie, qu’on me disait à NY city où je faisais mon MBA. Je n’en avais cure de leurs idées déprimantes car je ressentais clairement quand j’invitais avec mon demi-salaire d’assistant du doyen (Hi Mr Feinstein), l’« american girl » de mes rêves nocturnes (Hi Jessica Miller) que je ne calculais pas un retour sur investissement mais j’appréciais la chance de vivre ce moment présent.

 

De plus, quand un don rencontre une main tendue c’est de la chaleur humaine qui se diffuse, des sourires qui naissent, des frissons qui vous parcourent le corps. L’humanité devient plus généreuse que mesquine, plus altruiste qu’égoïste et peut être que le grand horloger manitou qui joue avec nos émotions et nos passions dépasse son stade anal et dit en jurant à la terre entière « au diable l’avarice » ! Il se retient de nous moraliser et de nous résigner et rend tout le monde amoureux, ce qui constitue le meilleur cadeau qu’il puisse nous faire pour qu’on soit heureux. Bref, galvanisé par le plaisir du don je laissais un message à mon ami chez PwC qui conseille généreusement (mais pas gratuitement) les CFO.

 

Je lui disais : « toi financier le jour et aquariophile la nuit, que penses-tu des bureaux du cœur ? PwC et l’Entreprise sentimentale pourraient scanner ensemble tous les coûts fixes des entreprises… pour les utiliser à faire du bien sans que cela ne leur coûte rien.»

 

Il me rappela et me dit : « Imagine que toutes les entreprises pensent à regarder ainsi leurs coûts fixes, ce sont des tonnes d’opportunités d’externalités positives qu’on libèrerait dans l’atmosphère. Avec un tiers de confiance comme toi plutôt que Mme Da Silva, j’ai imaginé ces innovations pour des CFO souvent, à tort, jugés sans cœur. Certes, le mot « don » ne doit pas être pris dans un sens trop restrictif, car il peut s’agir d’un acte exigeant une contrepartie financière modeste pour des raisons de responsabilité, par exemple, mais sans commune mesure avec un acte commercial qui sous-entend un bénéfice ».

 

Il énuméra :


1. L’utilisation de nos véhicules de fonctions en autopartage quand ils dorment dans nos garages

2. Le prêt de nos outillages le week-end aux bricoleurs de l’entreprise

3. L’accès à nos meilleures salles de réunion, pour les repas post-communion de nos salariés, clients et fournisseurs

4. L’utilisation de nos cantines pour les repas d’associations en ligne avec nos valeurs

5. Le mi-temps de nos salariés placardisés pour des causes qui les motivent,

6. L’accès aux carnets d’adresses de nos dirigeants pour ouvrir des portes à tous nos stagiaires méritants que nous ne pouvons embaucher

7. Le don (au sens strict) d’équipements d’atelier ou de magasinage qui ne sont plus du dernier cri à des associations caritatives.

 

En bref, utilisons tout ce qui est déjà financé pour faire du bien sans rien débourser ! On l’a tous rêvé mais on va le faire avant qu’on ne regrette de ne pas l’avoir fait. Vive la #financeforgood et l’ #entreprisesentimentale.

 

Sentimentalement votre



Crédit photo : © Unsplash

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