top of page
Photo du rédacteurLudovic Herman

Inflation ou quand un élu local sentimental fait baisser les prix pour ses administrés

Avec l'inflation, l'épargne difficilement accumulée pendant des années peut fondre comme neige au soleil en quelques mois d’été. Des personnes fières d’offrir leur tournée le premier jour du mois payé, se retrouvent soudain incapables de faire preuve de générosité. Ce n’est donc pas un hasard si, comme Joe Biden, qui a fait de la lutte contre l’inflation sa priorité, Elisabeth Borne travaille à sa première loi du quinquennat, celle de la lutte pour le pouvoir d’achat ! So what ? me disent mes ami.es dépité.es (et anglophones) sur ce sujet avant d’ajouter « à quoi bon, à notre niveau on ne peut rien changer ». J’avoue que c’est un peu ce que je pensais avant que je ne rencontre Gaïa, une inconnue aux yeux pétillants qui m’ouvrit de nouvelles perspectives sur ce sujet que je croyais déprimant.


Gaïa, dont le nom ne s’invente pas, me parla de Christophe Viguier de AGC celui qu’elle surnomma « le Zorro des achats ».  Comme le rappelle la Dépêche, mais aussi le Parisien et M6, ce policier le jour, élu local de Chaumontel le weekend, est devenu en plus acheteur de produits de première nécessité pour ses administrés (vraisemblablement la nuit).


Certainement doté de sentiments pour ces derniers, il lança, déjà il y a quelques années, des achats groupés pour leur faire faire des économies. Il démontre que la hausse des prix n’est pas fatale et que la réponse ne se trouve pas que dans les banques centrales. Laissez-moi vous narrer tout ce que cette rencontre changea pour moi.


La rencontre avec Gaïa se produisit un mercredi, un peu avant midi, quand je poussais la porte de ma boulangerie qui avait augmenté tous ses prix. Devant moi, elle était là avec ses cheveux ébène et son sourire sincère. Elle me regardait comme si on se connaissait et mon cœur accéléra quand, en sortant elle m’adressa la parole. « On se connaît, n’est-ce pas ? dit-elle, « Je ne sais pas » répondis-je, car j’ai l’impression de la (re)connaître sans l’avoir jamais rencontrée. « Je sais, vous êtes Ludovic ! Et moi je suis Gaïa ». Là, c’est pire, car même si je n’ai pas la mémoire des prénoms, je me souviendrais pourtant de celui-là. Devant mon air surpris, elle sourit, « En fait, vous ne me connaissez pas, mais moi oui, car je vous lis, enfin votre blog au nom catchy : l’Entreprise Sentimentale. C’est peut-être un peu cavalier Ludovic, mais êtes-vous libre à déjeuner, presque ici et presque maintenant ? Car il faut que je vous parle d’un sujet important : la lutte des femmes contre l’inflation.» Oubliant ma to do liste, je réponds « Pourquoi pas, vous m’intriguez, allons déjeuner chez Coco de Mer 34, bd St Marcel, le meilleur rapport qualité prix du 5ème à Paris, leur menu du midi à 10 euros n’a pas augmenté. En plus, on se croirait aux Seychelles, car ils ont remplacé les pavés par une plage. »  « J’adore, alors vamos a la playa » répond-elle en marchant d’un pas décidé. 


A peine installée, elle m’entreprend en me regardant dans la prunelle des yeux comme si elle soupesait l’épaisseur de mon âme. « Ludovic, sachez que je déteste une certaine inflation, celle qui porte sur les achats de première nécessité comme l’alimentation, l’habitation, nos moyens de circulation, car elle met à mal l’hospitalité, la convivialité, tout ce qui rend l’Être supérieur à l’Avoir. En revanche, celle du prix des iPhones, des sacs à main, des parfums avec leurs marges brutes colossales me laisse de marbre. Sachez que ce sujet de la lutte des femmes contre l’inflation, je l’ai dans le sang.  Mon arrière-grand-mère s’appelait Elisabeth « comme la reine d’Angleterre » me disait-elle et elle a fait la croisade des ménagères de Maubeuge.  Dieu que je l’aimais mon ancêtre au visage fripé dont les yeux pétillaient. Elle aimait le mot croisade « car comme les croisés, on se battait … pour faire baisser les prix sur le marché » mais détestait celui de ménagère « encore une invention des phallocrates que de réduire les femmes à une déclinaison du mot ménage ».


Je découvrais avec Gaïa qu’en 1911 les femmes, plus courageuses et plus solidaires que les hommes, étaient descendues dans la rue pour tenir têtes aux marchand.es. Avec tous leurs sentiments, elles s’étaient dressées contre celles et ceux qui augmentaient nettement plus vite leurs prix que leurs coûts. Elle me disait : « Tu vois petite Gaïa, l’inflation doit être combattue quand les marchands augmentent ensemble leur prix, de façon concertée. Quand leur entente prend le pas sur leur concurrence, le jeu est faussé, les dés sont pipés ». Elle ajoutait « C’est peu dire qu’ils sont adroits les marchands, même si certains se disent de gauche, ils attendent le bon moment et augmentent tous leurs prix en même temps au-delà de leurs coûts de revient. »


Je demandais « votre arrière-grand-mère rêvait peut-être d’une loi sur le pouvoir d’achat ? Elle y aurait mis quoi pour donner du pouvoir au Français d’acheter moins cher ? Des chèques énergie, du blocage des prix ? »


Elle répondit : « J’en doute, mon aïeule était une insoumise à l’État-providence. Elle rêvait d’un État-concurrence. Avec un ministère régalien qu’elle aurait nommé « le ministère du Que Choisir », dont elle m’offrit l’abonnement pour mes 18 ans.  Elle rêvait que l’État démantèle tous les cartels. Elle abhorrait les lobbyistes qui font passer des amendements corporatistes dans les lois. Elle trouvait beaux les acheteurs, ces êtres souvent mal compris quand ils négocient. Elle me disait : « n’oublie jamais qu’ensemble les femmes ont du bargaining power, notre seule arme contre le pricing power si valorisé par les analystes financiers ».


Petite, je lui disais « Mémé, pourquoi pas augmenter la dette aujourd’hui, car les lendemains chanteront ». Non, car pour elle c’était surtout augmenter le pouvoir des créanciers, or elle les détestait et les appelait des usuriers. Non, ce qu’elle voulait abattre, c’étaient les barrières à l’entrée des marchés. Elle disait : ce n’est pas la concurrence qui est « sauvage » pour nous les petites gens c’est le manque de concurrence qui est cruel. Elle espérait même le démantèlement de tous les avantages acquis dans les lois qui empêchent la baisse des prix


Médusé par tant d’engagement féminin contre la hausse des prix d’une femme si féminine, je lui disais, vous pensez que ce sera dans le projet de loi de notre Elisabeth ?  Faire sauter les oligopoles, les numerus clausus, les restrictions qui feraient baisser l’inflation. Vous pensez que Elisabeth B. et Jo B. vont s’allier pour spéculer sur les marchés pour faire baisser les cours de matières premières ?


«Que sera sera, Ludovic, en tout cas, je compte sur Elisabeth pour montrer qu’une femme à la tête de l’État luttera différemment contre l’inflation et qu’elle ne nous ne fera pas le coup de l’État protecteur et sauveteur ! J’espère qu’elle luttera comme une Lionne défendant ces lionceaux menacés, qu’elle doublera le budget de la DGGCRF et offrira à tous les Français le droit de négocier tous les prix affichés, car le changement c’est maintenant ! 


Mais ajouta-t-elle, je crois surtout dans l’innovation locale plutôt que centrale. Avez-vous vu ce que continue à faire ce policier que j’imagine musclé ? Au lieu de disperser les ménagères en colère de Maubeuge comme en 1911, cet élu de Chaumontel a fait bénéficier à ses administrés de prix qu’il a négociés pour eux sans s’enrichir dans l’opération. Moi, j’en ai pleuré, car c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi cela veut dire beaucoup. Cela veut dire que les sentiments existent en économie, cela confirme aussi qu’en achetant à plusieurs, on peut faire baisser les prix et pas qu’un peu, cela veut dire que 36 000 communes vont pouvoir agir en créant un panel fournisseurs pour le bien de leurs administrés et en achetant local plutôt qu’international. Cela veut dire que le BtoB sentimental va gagner des parts de marché sur le BtoC vénal.  En bref, j’y vois un effet papillon capable de se transformer en tsunami anti-inflation !


Alors Ludovic s’il vous plait, dites aux lecteurs de l’Usine Nouvelle de se rapprocher de leur mairie, de leurs élus et de leur demander de communiquer leurs prix négociés par leur collectivité. SVP dites à toutes les PME de se rapprocher d’autres PME pour renégocier à plusieurs des contrats.  Dites à tous les consommateurs de partager sur les réseaux sociaux la liste des commerçants qui n’ont pas augmenté leur prix récemment, comme Coco de Mer. Et dites-leur de se méfier des entreprises que les analystes valorisent pour leur…pricing power. »


Oui, Gaïa, je vous le promets je leur dirais et si des acheteurs professionnels et humains comme j’en ai croisé dans ma vie veulent partager leurs secrets pour organiser la résistance face aux commerçants en bande organisée, voici mes coordonnées ludo@entreprisesentimentale.fr.  À tous les généreux prêts à se regrouper pour acheter moins cher sans en faire profit je dirais, que si tout seul on va plus vite, ensemble, on va plus loin, alors écrivez-moi et on s’organisera.


Sentimentalement vôtre.



Crédit photo : © Pixabay

Comments


bottom of page