
Tous les médaillés d’or des JO partagent, après des années de souffrance, la jouissance d’être monté sur la plus haute marche du podium et de repartir avec autour du cou la médaille d’or. Mais, pour des «raisons évidemment économiques» (dixit le Parisien) ces médailles, depuis les JO de Londres en 1908, ne sont plus en or massif, elles n’ont en réalité que 1,1 % d’or, elles sont constituées à 98% d’argent. Le CIO maintient ce choix qui se résume à un poids : 6 grammes d’or fin pour recouvrir 500 g d’argent massif afin de départager le N°1 du N°2. Peut-être par orthodoxie budgétaire, car n’oublions pas que les JO coutent déjà 8,8 milliards d’euros, et 6 grammes représentent tout de même 360 euros d’écart avec un médaillé d’argent !
Heureusement, pour pallier la frugalité budgétaire de ces médailles enrobées d’or, certains pays «compensent» autrement leurs n°1. Comme dans les entreprises, ils touchent une prime de résultat sur leur compte courant. Cela dépend de leur délégation comme le détaille Forbes : 768 000 $ pour Hong Kong, 80 000 € pour la France, 37 500 $ pour les USA, par médaille d’or. Moralité, au JO, à succès égal, pas de prime égale, surtout qu’il y a ensuite leur taxation. La France, sur le podium en la matière, envisage pourtant leur exonération. Pas d’impôts pour les héros, clame haut, un ministre fan de JO. Tant pis pour le financement des écoles, des casernes et des hôpitaux, pourtant composés d’autres héros.
In fine, le "C&B" ("Compensation and Benefits", la rémunération et les avantages) des médaillés, comme des salariés, reste une décision budgétaire alors il y a dû y avoir d’âpres discussions sur le pesage du poste or dans les médailles d’or. Si certains champions républicains et universalistes rêvaient d’une médaille d’or… en or pour concrétiser la valeur EGALITE avec «à succès mondial égal, prime mondiale égale », on a dû en bon financier leur répondre : no way. Imaginez, on doit équilibrer les comptes, ça coute un pognon de dingue les JO, vous ne vous rendez pas compte. Alors désolé, mais vos sanglots sur le podium n’y pourront rien changer, 6 g d’or c’est 25 microns de plaquage d’or, 4 fois les microns de la bijouterie fantaisie !» Aux champions dépités, on rappelait qu’enfin ce qui comptait c’était de participer ! Des tenants de la nouveauté ont peut-être même proposé une médaille NFT en cryptomonnaie. Non, in fine, on a dû décider que la médaille pèserait son pesant d’or … mais en argent.
La nouveauté c’est qu’à Paris, ville de l’amour, la valeur sentimentale d’un bijou s’est invitée dans les discussions : au lieu d’ajouter des grammes d’or, on a ajouté des grammes … de Tour Eiffel, la tour favorite de Céline Dion qui accepta pourtant un paiement en dollars. Cela permit de sortir par le haut de cette négo d’orpailleur. Emballé c’est pesé, on ajoutera les rebuts de notre tour Eiffel adorée, a peut-être conclu Tony Estanguet. Notre gratte-ciel, si inutile, mais si essentiel, si consubstantiel à Paris et à ses amours a été choisi pour marquer l’histoire des médailles aux JO.
Il fallait oser et Chaumet l’a fait, ce joaillier place Vendôme, a dessiné la plus belle médaille de l’histoire des JO en y ajoutant ce métal incongru, mais «so sentimental». Chaumet a surement dit au CIO quelque chose comme «banco pour introduire plus de sentimentalité dans ce bijou en argent doré mais ce ne sera pas gratuit, car chez LVMH on aime aussi le profit !»
Rappelons que la valeur sentimentale compte pour beaucoup dans la valeur d’une entreprise. C’est pourquoi on s’y attache quand on y investit de sa vie, c’est ce qui explique qu’on se défonce par amour de son travail, par admiration pour son ou sa boss, par solidarité avec ses collègues, sans forcément être payé en retour. C’est aussi ce qui vous manque quand on la quitte. La sentimentalité explique aussi qu’on fournisse tant d’efforts sans toujours les compter, qu’on fasse des heures sup pas toujours payées. C’est grâce a elle qu’on mentore des plus juniors sans y avoir beaucoup à gagner sauf à se dire qu’on a bien fait, c’est cette valeur qu’on accroit quand on ose dire sincèrement bravo, merci, pardon.
La sentimentalité, c’est un horizon de temps qui pense plus loin que l’instant, c’est ce presque rien et ce je ne sais quoi de générosité qui existe sans qu’on s’explique pourquoi. Bien sûr, cette qualité vit souvent cachée, car officiellement sentimentalité rime avec vulnérabilité, mais officieusement on sait bien que sans elle les entreprises centenaires ne le seraient pas.
Aujourd’hui, dans les comités de rémunérations des entreprises, la question est quel équivalent « Tour Eiffel » donner aux champions du quotidien de l’entreprise, sur quels podiums les faire monter, quels applaudissements leur offrir.
Merci aux JO de Paris d’avoir renforcé la valeur sentimentale des médailles, mais peut être qu’à L.A ils décideront de rendre en or massif ces médailles pour remercier égalitairement les n°1, celles et ceux qui nous ont tant donnés, en se donnant sans compter.
Sentimentalement vôtre.
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