La corrélation entre diversité et succès ne cesse d’être vérifiée. Et pourtant, nombre d’entreprises peinent à la développer.
Alors, quand France Inter annonce que, "sur 103 entreprises étudiées, entre 5 et 15 pratiquent une discrimination significative et robuste sur le patronyme magrébin des candidats", notre famille est atterrée. Déçus, nous notons que la liste des entreprises n’est même pas rendue publique. "Cela permettrait d’en valoriser 88 et d’en boycotter 15" s’exclame ma famille autour de notre repas de Noël.
Oui ! la diversité est désirée chez nous. Peut-être parce que notre famille de cinq est composée de 60 % de femmes, 40 % d’hommes, trois nationalités, deux langues parlées et 40 ans d’écart entre le benjamin et ses parents.
Le débat est engagé ! Les deux sœurs, soudées, croient nous informer que la discrimination sexiste existe aussi dans les boîtes de la nuit parisienne : "Les nights clubs discriminent certaines femmes en particulier et tous les hommes en général ! Pour entrer gratuitement, il faut être du genre féminin, avoir un physique avantageux, en jupe avec des jambes nues et épilées même quand il fait 0 degré, s’offusquent-elles. - Pour les hommes, c’est pire ! Même un BG rasé de près doit payer pour entrer."
Le petit frère, intéressé, lève le doigt comme à l’école et nous demande alors si d’ici sa majorité (dans sept ans !), les beaux garçons sans le sou seront invités gratos en boîte de nuit. Difficile à dire… "mais nous croyons au progrès et à l’égalité homme-femme", répondons-nous en cœur.
À ce moment de la soirée, notre famille nucléaire demeure fusionnelle sur le sujet. Outrés, une énergie (non carbonée) pulse dans nos veines contre les "injustices du système". Mais le ton change quand se pose la fatidique question… Comment change-t-on ?
Et voilà que, sans crier gare, une de nos deux filles déclare :
"Tout le monde sait que les femmes sont discriminées : à compétence égale nous sommes moins recrutées, moins payées (- 16,23 %), moins promues que les hommes."
Elle nous regarde, mon fils et moi, du coin d’un œil accusateur comme si nous étions coupables d’être nés du côté masculin du genre humain. Elle ajoute :
"Et papa, ne me dis pas que c’est une opinion car c’est un fait avéré, une vérité : les plafonds de verre doivent être en vitre blindée ! Pour preuve, regarde les photos de comités de surveillance, de sages ou de scientifiques : les vieux hommes blancs sont surreprésentés ! Les dés sont pipés ! Regarde aussi la politique : sans la parité, la vie politique n’aurait pas changé."
Et ma femme néo-zélandaise qui ajoute avec fierté : "La Première ministre de nos All Blacks est une femme All White, elle est si inspirante !"
J’ai cru un moment que la famille allait continuer de s’unir en silence en cette veillée de Noël, et méditer sur la tirade amère pourtant si sincère de ma cadette. Mais mon "intuition masculine" me fit défaut…
L’ambiance se glace, la magie de Noël s’éclipse… Le mot quota s’est invité au débat.
Et mon aînée, un tantinet rival à sa sœur, qui rétorque : "Hors de question que je sois une recrutée quota, une promue quota, une femme d’affaire quota ! Le quota c’est une tache invisible mais indélébile, un soupçon qui plane à vie sur ma valeur, un truc hyper sexiste qui dit que sans cela les femmes n’y arriveront pas. On veut de la transparence, pas de l’assistance. S’il y a des quotas dans une entreprise, qu’elle le dise ouvertement et je ne postulerai pas là-bas."
C’est alors que, les yeux embués, elle se tourne vers moi : "Papa, toi qui écris sur le blog de l’Usine Nouvelle, je t’en conjure : ne promeus pas les quotas, mais aide les entreprises à changer de culture sur le sujet !"
Et, défiant légèrement sa mère, elle ajoute : "Pour ce qui est des femmes politiques, Mommy, qu’est-ce qu’ont changé les quotas ? La Première ministre de Nouvelle-Zélande, comme Angela Merkel, n’ont pas été élues grâce à eux !"
Oulala… cette réunion familiale part en live.
Le benjamin, inquiet de ce débat entre ses sœurs dont il pourrait faire les frais (il est souvent désigné coupable par ces dernières), relève le doigt et demande si on va imposer la parité parmi les invités à son anniversaire, et des quotas d’heures paritaires entre youtubeuses et youtubeurs.
Je reste silencieux, en écoute active comme on dit chez nous, les coachs. C’est alors que ma femme vient à la rescousse et goes back to the basics : les valeurs. "Chez nous, en Nouvelle-Zélande, une entreprise c’est une famille avec des valeurs identitaires. Dont deux qui nous tiennent particulièrement à cœur : la liberté et l’altérité.
Quand vous serez dirigeant.es les enfants, vous choisirez qui vous voudrez : une femme, un homme, un junior, un senior… ou comme on disait en 98 : un black, un blanc, un.e beur.ette. Ne renoncez pas à la liberté pour satisfaire les qu’en-dira-t-on. Même de celles et ceux qui ont les meilleures intentions, car l’enfer en est pavé. Mais surtout, expliquez toujours vos choix.
Quand vous serez dirigeant.es les enfants, cherchez à travailler avec des personnes différentes de vous, à vos antipodes (et j’en viens !). L’altérité va au-delà de la diversité. Certaines entreprises filoutes en matière de diversité réduisent superficiellement leurs mauvais pourcentages de genre, d’origine, d’âge… L’altérité aime l’autre pour ses différences. Et heureusement, les différences vont au-delà des apparences : il y a toutes sortes de femmes. Alors please mes filles, ne réduisez votre identité à votre genre. Et toi mon garçon, tu ne seras pas qu’un homme mon fils… tu seras aussi quelqu’un de bien.
Et toi darling, que conseilles-tu aux industries pour améliorer leur politique de diversité ? - Toutes les entreprises ne se ressemblent pas. Certaines croient dans la courte échelle : elles discriminent "positivement" en donnant un coup de pouce, une chance, à celles et ceux qui sont sous-représentés dans leur industrie. L’idée des quotas est certainement partie de là ! On les pense comme une sorte de maux temporaires pour un bien à terme. Il y a celles aussi qui croient dans le quantitatif : elles se fixent des objectifs chiffrés (comme des %) sur le principe de you get what you measure. Et par les objectifs dépassés, se valorisent sur le marché, même parfois sans avoir beaucoup changé. Enfin, il y a celles qui croient dans le qualitatif : elles visent à changer les états d’esprit, les schémas mentaux. Pour cela, elles travaillent sur l’inclusion de tout nouvel arrivant, font la chasse aux idées sexistes, racistes, qui s’immiscent insidieusement dans les discussions, depuis la machine à café jusqu’au COMEX. - Mais alors, laquelle choisir ?! Les trois : il nous faut mixer les croyances pour se donner plus de chances. Chaque entreprise a des croyances militantes, mais aussi limitantes en matière de diversité. Il n’y a pas de one size fits all comme dans le prêt-à-porter. Oui ! je crois qu’il n’y a rien de mieux que de travailler à mixer les croyances pour améliorer rapidement la diversité dans les entreprises."
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