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Photo du rédacteurLudovic Herman

Mentoring, ou quand Elizabeth II confie ses secrets à Sanna Marin

En amour, comme en affaires, il y a des premières et des dernières fois. Contre toute attente une relation prometteuse peut tourner court et se terminer par un exit memo de quelques mots qui se résume à « tchao ».


Ce qu’il y a de bien, c’est qu’entre le tout début et la toute fin existent des moments peu nombreux mais très précieux, des moments d’échange et de partage qui donnent du sens à l’existence. En entreprise, ce sont, notamment, les échanges qui se produisent entre un mentor et un mentee. Lors de ces rencontres, le mentor partage ce que la vie lui a appris. Il utilise ses essais et ses erreurs pour rendre son cadet meilleur. Ce don de learning curve de ceux qui sont plutôt près de la fin vers ceux qui en sont loin est un atout clé pour progresser.


N’en déplaise à ceux qui imaginent que le monde du travail est asentimental, même une entreprise strictement vénale progresse grâce à la générosité des plus expérimentés.


J’en étais là de mes considérations altruistes quand Elizabeth II sur arte.TV conclut l’histoire de sa vie par une phrase dans ce sens : « We can do this if we have the good sense to learn from the one who’d gone before us. »  Alors que je luttais contre le sommeil pour saisir la portée de ce testament destiné aux entreprises, un cachet de Lamaline m’endormit sans coup férir. Ce médicament qui combine opium et caféine eut pour effet secondaire de me donner une insomnie au milieu de la nuit. À 4 heures pétantes, j’émergeais d’un business trip psychédélique dont je vous livre ici des extraits véridiques.


Dans ce rêve étrange, la reine Elizabeth II, co-héroïne de mon article dans L’Usine Nouvelle sur les leçons du Megxit pour les start-up, me susurrait des mots en français teinté d’anglais. « Wake up Ludovic, je vais peut-être passer rapidement de vie à trépas, alors dépêche-toi ! Prête-moi ta plume pour écrire un mot à Sanna Marin. » 


— Sanna Marin ? répondis-je, surpris. L’élue si brune du peuple finlandais si blond ? Celle à qui je donnerais le bon Dieu sans confession et à qui je dirais oui sans même écouter sa question ?


— Oui c’est cela ! Et elle ajouta d’un ton sans équivoque : J’insiste, Ludovic, car c’est sûrement mon dernier vœu, alors please exauce-le. Écris pour moi une lettre à celle qui ressemble à la dancing queen d’Abba dans Mama Mia.


Devant mon flegme dubitatif (inspiré du sien), elle me lança ce regard impérieux dont elle avait le secret. Même si je ne suis pas un des sujets de sa Majesté, j’acceptai d’être celui de sa demande. Voici le résultat.

 

Chère Sanna


Je suis Elizabeth II, reine d’Angleterre, et souhaite, avant de rejoindre mon ancêtre Victoria et la reine de Saba dans la sororité des reines de l’infini et au-delà, t’écrire ce message d’ici-bas.


J’aimerais, si tu me l’autorises, être ton mentor ! Si l’idée te déplaît, arrête-toi là, car le mentoring nécessite ton consentement plein et entier, et je ne plais pas à tout le monde, en particulier pas à ce Philippe Caverivière qui fait rire Ludovic, tu sais.


C’est la vidéo où tu ajuste ton téléphone avant de te déhancher sur un rythme endiablé qui m’a motivée à réveiller Ludovic pour être mon ghost writer. Imagine-toi que j’ai vu cette vidéo sur mon iPad quasi obsolète, offert par le koople Obama.


D’abord bravo, Sanna, tu danses so glamorously. Ta liberté, ta félicité m’ont donné un boost de vitalité. Merci, car ce jour-là, Sanna, you made my day. Aux aigris et mal-aimés qui t’ont critiquée, dis-leur de ma part « honni soit qui mal y pense », car tu n’as rien fait de mal quand eux pensent à mal.


Comme le temps presse (pour moi, en tout cas), laisse-moi te dire que ceux qui assurent que la vie ne t’apprend rien se trompent en partie. C’est certes trop tard pour que cela te serve, mais pas trop tard pour que cela serve à d’autres ! Alors laisse-moi partager avec toi trois conseils que la vie m’a appris.


N’abandonne jamais, Sanna, mais abandonne-toi souvent


Le premier fait suite à ton agacement face aux attaques des médisants. Never give up, continue de danser jusqu'au bout de la nuit, continue d’oublier de regarder ton téléphone quand tu rentres en boîte de nuit. Insiste, persiste, résiste et prouve que tu existes. En bref, ne te résigne pas, n’abandonne pas.


Mais si tu n'abandonnes jamais, j’ai aussi envie de dire, Sanna, abandonne-toi souvent. Abandonne-toi à la musique, pourquoi pas à la vodka si tu ne conduis pas, abandonne-toi à l'affection de ceux et celles qui t'aiment, à la pluie qui rafraichit et au vent qui décoiffe sur la Baltique. S’abandonner, c’est lâcher prise, c’est nager dans le flow de ton destin, c’est t’inscrire dans un mouvement plus grand que le tien. Oui, abandonne-toi, Sanna, mais n’abandonne jamais.


« Leverage-toi », Sanna, même si tu ne t’endettes pas


Le deuxième m’est venu quand tu as dit que tu avais refusé d'emprunter pour payer tes études. Moi qui croyais les politiques tentés par les emprunts d’État qu’ils ne remboursent pas ! Mon conseil serait non de t’endetter, mais de te « leverager » humainement. Un effet de levier humain, c'est quand avec un petit peu de toi, beaucoup d’un autre décuple ta position. Alors, entoure-toi de personnes différentes de toi pour rendre possibles des impossibles. Le « leverage sentimental », c’est l’effet de couple d’un couple, c’est le « un pour tous et tous pour un » de ces bloody mousquetaires français, ou l’entraide au sein d’une équipe soudée.


Garde ta capacité, Sanna, à dire jamais aux injonctions du conformisme


Le troisième conseil m'est venu quand tu as dit que tu n'avais jamais pris de substances illicites. C’est rare, car j’en ai rencontré, des dirigeants, et à chaque fois je me demandais « à quoi est-il addict celui-là ?» Moi, j’avoue avoir un faible pour le Sociando-Mallet, ce grand cru bordelais inclassable mais non classé, et suis addict aux love stories. L’important, c’est que tu gardes ta capacité à dire jamais. Garde cette résistance à la pression du groupe, à ce qui est populaire, à la mode. Ton « jamais », c’est le « non » des enfants qui se posent quand ils s’opposent. Sanna, garde ta capacité à dire non même si cela fera des « qu'en dira-t-on ».


Je m’arrête là et je dois te quitter, car j’ai un rendez-vous avec la postérité que je ne peux pas manquer. Mais encore merci, Sanna, de rayonner pour nous inspirer.


Royaly yours


Your highness Liz II



Crédit photo : © Laura Kotila/Valtioneuvoston kanslia – wikicommons

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