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Photo du rédacteurLudovic Herman

Raison d’être des entreprises, ou quand Philip Morris arrête de fumer


L’optimisme souffle dans les bronches de la planète Terre quand Philip Morris décide d’arrêter de fumer. Ce turnaround éthique est si beau de la part de l’entreprise honnie, taxée, méprisée, qui a tant de morts sur la conscience qu’elle les affiche sur ses paquets.

Alors, quand ce géant mondial clame par la voix de son CEO André Calantzopoulos sa nouvelle raison d’être : a Smoke Free Future… je retiens moi aussi mon souffle pour profiter de ce moment, en apnée, comme lorsque je traversais les TGV enfumés.

À Paris, Macron se réjouit. Comment ne pas y voir une relation avec sa loi Pacte ? "Vois-tu, dit-il à Brigitte en allumant au lit la cigarette de cette dernière, j’ai ouvert une voie, et Philip Morris s’y est engouffré ! Et ce n’est que le début, tu vas voir ! Nos entreprises françaises montreront très bientôt elles aussi leur grandeur d’âme, et ne pas se contenter d’en faire un exercice de style."


Les fumeurs au réveil sont plus mitigés. Ils pourraient manquer de nicotine ! et le manque, ça les connait… Certes, depuis 10 ans les doses augmentent pour sécuriser la satisfaction des fidèles. Mais pour les plus dubitatifs, "on nous enfume une fois de plus" ! Il n’en reste pas moins que cette histoire est inspirante à plus d’un titre. En voici l’analyse.


Tout commence le 8 mai 2013. Ce jour-là, André accomplit son destin : de n°2 de Philip Morris, il devient n°1. L’ex-CEO lui passe le relais en ces mots : "un esprit brillant avec un grand cœur en bonus"… en VO : "his most generous heart" ! Que rêver de mieux ?! Les analystes financiers présents dans la salle n’ont jamais été contre la générosité… surtout en matière de dividendes. Mais un CEO sentimental ?! Non merci, on sait à quoi cela conduit ! Heureusement pour eux, André inaugure son mandat en critiquant pendant une heure les régulations, ces taxations qui font la fortune des contrebandiers (ces parasites des cigarettiers !). La salle, rassurée, s’époumone en cœur entre deux quintes de toux et entonne "Il est des nôtres… Il a fumé comme les autres !"


"Un grand cœur" qu’il disait. Cœur… Cœur… Mine de rien, ce mot "cœur" (qui n’a l’air de rien) fait son chemin. Celui d’André bat fort ce jour-là. Il croit même un instant qu’en venant du pays des Jeux Olympiques, il est né champion ! Comme les marathoniens New-Yorkais, qu’il peut dire "I did it" en devenant n°1. Mais à 55 ans, en pleines flaming fifties dit-on aux Amériques, on sait aussi qu’il nous reste une dernière chance de réussir notre vie. Encore une opportunité de faire plus de bien au monde avec nous que sans nous.


Philosophe de naissance, André se souvient de Jankelevitch qui distingue le destin (ce pourquoi on est programmé) de notre destinée (ce qu’on choisit/ nos inflexions délibérées sur nos trajectoires de vie). "Mon destin ? Persister pour cartonner dans les classements des dirigeants." Car, comme ce lui fut répété de la maternelle à l’INSEAD : "On est toujours comparé dans la vie". Mais sa destinée ? Une question fugace lui traverse alors l’esprit : quelle trace laisserai-je au-delà de mon mandat ? D’avoir été le n°1 de l’index ou d’avoir fait progresser l’humanité ? Mama Mia !" Mais comme dit une autre chanson, il y pense et puis oublie.


L’année passe, et voilà qu’André revient au pays pour passer l’été sur l’île de Milos. Île où l’on croise CEOs en exercice, ou en devenir. Et par une belle nuit d’été, dans une taverne éclairée, notre grand patron baisse enfin sa garde et devient presque sentimental (j’ai dit presque !). Les 3 ouzos l’ont certes bien aidé… Il se dit après tout qu’il n’a pas envie qu’on se souvienne de lui comme l’homme qui valait 3 milliards de mégots non biodégradables jetés chaque jour par terre (dixit Wikipedia). Et vous le savez comme moi : quand la lumière baisse, quand l’azur devient nuit, le héros croise toujours une femme étrange.


"Que faites-vous dans la vie ? lui demande-t-il. - Je libère le potentiel des entreprises. - Mais kesako ? s’exclame André en anglais. - Je contribue à ce qu’une entreprise choisisse sa destinée pour sa prospérité. Plutôt que de reproduire fatalement ses schémas passés."

Athéna (dont le nom ne s’invente pas) est une ex-BCG avec MBA. Et alors qu’André s’abîme dans les yeux de cette mystérieuse libératrice de potentiels, elle lui confie cette vision :

-Dans peu de temps, un homme français de moins de 40 ans et marié avec sa professeure de 24 ans son aînée, sera élu président ! Et il proposera aux entreprises d’expliciter leur raison d’être.


Bien que le cannabis soit une new frontier à explorer ("une innovation de rupture" dit-on chez McKinsey), André s’interroge pantois si Athéna n’aurait pas fumé autre chose que des Philip Morris pour avoir des idées aussi exotiques !


-Et toi André, que fais-tu de ta vie ? Quelle est ta raison d’être pour Philip Morris ? - Ma raison d’être ? C’est de générer le profit maximal pour mes actionnaires avec de grandes marketshares et une base client rajeunie pour assurer la pérennité de l’entreprise, car we’re not a dying business ! D’ailleurs, la France est un pays extraordinaire pour ça ! On y emmène nos clients en learning expedition pour voir les jeunes si nombreux fumer à la sortie du lycée. Les fumeuses y dépassent les fumeurs en nombre et en NPS, nous recommandent aux plus jeunes… Car, oui ! on donne aux jeunes l’impression d’avoir l’air plus "adulte", et aux adultes l’impression d’avoir l’air plus "jeune" !


Pour tout vous dire, ayant un peu peur lui-même de voir ses enfants fumer et de devoir assister de son vivant à leur mise en bière, il s’est demandé à cet instant si pérorer comme un CEO macho sonnait vrai ou faux. "Au fond, je sais que je ne sais pas" s’en sort-il par une pirouette toute grecque.


Mais Athéna ne se démonte pas :

-"Oublie peut-être un moment la raison qui raisonne avec raisonnable, raisonné, raisonnement, mais explore tes passions qui riment avec passionné et passionnantes. Dis-moi André, que désires-tu qu’il advienne de Philip Morris ?"


Nous savons tous que la passion d’advenir est comme une cigarette : elle a besoin d’une flamme, a minima d’une étincelle pour libérer sa saveur. Et de ses yeux silex, de sa voix ondulant sur FIP, Athéna met le feu aux poudres. Le souffle court, comme quand il fumait (il a arrêté, il ne fume plus qu’au bureau pour montrer l’exemple), André est déstabilisé.


Il sait qu’en rencontrant Athéna, cette femme au prénom et à l’allure de déesse, il vient de faire la rencontre d’une vie. Il ne l'attendait pas là, pas maintenant. Et cette émotion qui l’envahit est incompréhensible, si difficilement dicible. Cet instant lui tord les boyaux, et pourtant le rend accro. Avec une rare sincérité il se lance :

- Ce qui me passionne dans la cigarette, ce n’est pas la fumée. Mais les fumeurs. Je rêve d’un monde sans fumée, mais avec les milliards de fumeurs. J’aime leur convivialité à la pause clope. Qu’ils se remercient, se regardent dans les yeux quand ils allument la cigarette d’un autre. J’aime la résistance sociale du fumeur : il résiste envers et contre tout à ceux qui lui enjoignent d’arrêter. J’aime tant nos fumeurs généreux, qui partagent leur paquet quand aujourd’hui on garde tout pour soi. Je rêve d’une cigarette qui aurait un nom grec. Je rêve que Philip Morris marque positivement les esprits, plutôt que négativement les poumons. Je rêve d’un smoke free world."

- Where there’s a will, there’s a way. À deux on trouve toujours une troisième voie. Que penses-tu d’IQOS comme nom de guerre pour ta cigarette révolutionnaire ?"

Au clair de lune, dégagé de tout nuage, le regard d’André s’enflamme.

- Où t’envoles-tu ? - Bonne nuit André, lui souffle Athéna. J’ai réglé ton addition. Avec ce que tu gagnes, ça ne doit pas t’arriver souvent…




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