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Décarbonation, ou quand des financiers pensent à la fraternité comme solution

En amour, comme en affaires, il existe des situations désespérées où subsiste pourtant de l’espérance. Sauver son couple, son business, son climat qui court à sa perte… ont en commun qu’il faut faire une pause sans tarder, pour ensemble, tout réinventer.


Dans ces moments qui marquent l’existence, on ébranle ses certitudes bien ancrées pour, in fine, les confirmer ou les abandonner. On s’inspire de l’économiste Koen De Leus de BNP Paribas, connu pour son concept de « reprise en K ». On chasse des croyances devenues obsolètes et on en investit d’autres qu’on pense porteuses d'avenir. En tout cas, on repense la situation avec l’obsession d’éviter l’échec annoncé.


Réussir devient alors aussi gratifiant que de gravir avec succès la face nord d’un sommet réputé. Le résultat nous émerveille. Presque miraculeusement, on voit les choses autrement. Inspiré par le succès, l'inconcevable devient envisageable et le « pas possible ! » se mue en « pourquoi pas ?" Ce processus nécessite d’être en cordée, car comme on dit « à 2 on trouve une 3e voie quand seul on n’en voit pas ».


La fraternité pourrait décarboner notre humanité ?


L'un de ces « inconcevables » est de penser que la fraternité pourrait décarboner notre humanité. L'idée même de fraternité, celle qui sous-entend qu’on pourrait aimer, aider, coopérer avec des étrangers comme des frères de sang est souvent perçue comme de l’angélisme et pas du pragmatisme. L’homo economicus, mu par son intérêt exclusif, s’oppose à l'homo fraternicus mu, par l’intérêt collectif. Or, plus collectif que le concept de décarbonation n'existe pas. Le CO2 n'a que faire des frontières, on gagnera ou on perdra ensemble la bataille de la maîtrise de ce gaz à effet de serre.


J’en étais là, quand Mia m’appela. Cette ex-cliente, une femme indépendante, CFO d’un groupe international m‘annonça quelle partait en retraite et qu’elle souhaitait m’inviter à la réception organisée pour l’occasion.  «J’espère tirer ma révérence en en faisant un moment porteur de sens». Mia dont le prénom inspirera l’héroïne de la série Salade Grecque fut une enfant gâtée par deux écoles républicaines : Louis-le-Grand et Paris-Dauphine. Alors, pour les honorer, elle avait hésité entre les valeurs Liberté, Égalité ou Fraternité comme fil conducteur de son discours.


Elle aimait la liberté, quasi libertarienne, elle m’avait confié qu’enfant, elle avait déclaré « je n’ai ni déesse, ni maitresse ! » à cette dernière qui voulait l’obliger à rentrer dans le rang. Elle aimait aussi l’égalité et souhaitait pour les retraites des suivants du 50/50 entre répartition et capitalisation. En effet, elle était curieuse de voir l’impact sociétal des fonds de pension ESG et doutait que les retraités boomer utilisent leurs rentes viagères à sauver la planète Terre.


Finalement, c’est Éric Le Boucher, lui aussi ex de Louis-le-Grand et de Paris-Dauphine qui l’inspira et la décida pour la fraternité. Éric s’est un peu son mec à elle sur le plan professionnel, elle croit même tout ce qu’il dit. En plus, sa plume d’économiste pique et chatouille à la fois m’a-t-elle avoué.  Rappelons que dans sa chronique des Échos, il évoque la fraternité même s’il ne cite pas le mot. Il affirme que pour réduire le CO2, il faut une approche planétaire, car ce gaz n’a pas de frontière.  En bref, plutôt la coopération avec l’Inde et l’Afrique que taxer leurs exportations. C’est bête comme chou et même un peu fou, me direz-vous, mais cela inspira Mia qui veut que l’adelphité (la fraternité non genré), soit la raison d’être de sa retraite.


Des règles financières pour coopérer fraternellement


La fraternité, elle l’a expérimentée concrètement avec les NFR, les New Financial Rules. Les règles financières intra groupe qu’elle avait mises en place pour que les unités du groupe coopèrent fraternellement au lieu de se livrer à des luttes fratricides.  C’est un commercial inquiet de la baisse des contrats signés à cause du manque de fraternité qui l’avait alertée. Il lui avait dit « vos règles financières foutent en l'air nos deals, chacun tire la couverture à soi et finalement, on est trop cher. Vos règles sur vos prix de cession tuent dans l’œuf le potentiel de coopération au sein même d’un Groupe dont on partage tous la même destinée !».


Avec l’aide de consultants (dont moi, d’où l’invitation), elle avait incité à coopérer, dissuadé les logiques personnelles, mutualisé les aléas et les incentives par projet. La courbe des échecs s’était transformée en courbe de succès.  


Depuis, elle avait veillé à ce que la fraternité soit nourrie par des comportements précis : remercier, encourager et pardonner. Alors, fidèle à son goût pour le walk the talk, elle demanderait pardon pour toutes ses trahisons involontaires qu’elle avait faites dans sa carrière, comme, par exemple, arriver en retard à chaque réunion. Elle dirait bravo à tous ceux dont Never give up est le credo et merci à chaque invité pour un presque rien qui lui avait fait du bien.


Elle conclut notre échange par ces mots : 


— Qu’en penses-tu Ludovic, ce n’est pas trop sentimental pour un pot de départ qui, je l’espère, n'est qu’un au revoir ?


— Jamais trop sentimental pour moi, Mia.



Crédit photo : © Unsplash - Nick Fewings

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