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Photo du rédacteurLudovic Herman

Risques, ou quand la sentence d’Elizabeth Holmes pourrait enrichir les "due diligences"

Dernière mise à jour : 17 mars 2023


Avec chaque sentence, s’améliore normalement la jurisprudence. Alors, quand Elizabeth Holmes, la plus jeune des self made women milliardaires est condamnée à plus de onze ans de prison, on se demande quels enseignements tirer de cet effondrement ?



Rappelons qu’Elizabeth Holmes levait des centaines de millions de dollars grâce à la justesse de sa vision. Elle était glorifiée et révérée comme jamais par les médias et le gotha de la Silicon Valley. Theranos, sa biotech en toc et sans tech, fut même valorisée près de 9 milliards de dollars.

Henri Kissinger dupé

Étonnamment, elle ne fut pas condamnée pour avoir menti à ses patients, ni persécuté ses employés. Pourtant, elle faisait régner dans son entreprise un climat de peur avec Sunny son COO lover et peut-être aussi son persécuteur. Non, elle a été condamnée pour avoir dupé dans les grandes largeurs les géants d’Amérique : des investisseurs et des leaders, dont un certain Henri Kissinger.

Ces derniers, qui voulaient s’enrichir tout en sauvant l’humanité, furent si impressionnés par la vista d’Elizabeth qu’ils sont devenus aveugles au point de se faire plumer. Rien de nouveau, me direz-vous où l’on fake it until you make it, mais cela ne s’était jamais produit aussi longtemps et aussi effrontément, en ridiculisant autant de personnalités.


Aujourd’hui, malgré son aplomb et sa voix de baryton, Elizabeth, la plus célèbre "dropout" de Stanford, avec son col roulé noir à la Steve Jobs est jugée coupable, même si elle plaide non coupable. Elle ne s’est pas enrichie, alors que c’est couramment le but d’une escroquerie. Elle ne menace plus tellement la société, mais devrait tout de même être emprisonnée. En effet, ignorant le mot "sentiment", le juge et les jurés, en première instance ne se sont pas laissé attendrir par cette future maman de deux enfants qui grandiront sans qu’elle ne puisse jamais les bercer. Ils ne l’ont pas pardonnée quand elle a exprimé ses regrets en pleurant sincèrement tout en s’excusant. Alors le 27 avril, quelques jours après son accouchement, sans pouvoir aller jusqu’à la fin de l’allaitement, elle est censée se diriger vers la case prison de ce Monopoly version californienne.



Prise de sang et révélations

Je n’aurais pu être choisi comme juré à son procès, car je suis biaisé. Oui, j’attendais, j’espérais et je croyais en son idée. C‘est une laborantine aux yeux verts qui m’ouvrit les yeux sur Elizabeth, un soir d’hiver dans son labo du 41 de l’avenue Bosquet. Elle nous avait déclaré à mon fils et à moi «Je vais peut-être devoir piquer plusieurs fois, car cela va être délicat de trouver la veine de votre bambin». Interloqué, mon fils Clovis, blanc comme un linge, dont c’était la première prise de sang de sa vie, m’avait regardé en doutant de moi et en redoutant ce forage répété dans sa chair immaculée de bébé. Elle ajouta, «sauf si un jour Elizabeth Holmes, cette femme adulée mais peut-être pas très aimée, transforme son idée en réalité». Alors sur le champ, emporté par l’émotion, je promis à mon fils, que lorsque Theranos arriverait en France, il serait le premier à en bénéficier. Hélas, Theranos s’écroula.



Depuis, je cherche du bien dans les jugements du tribunal californien et quel sens donner à ce non-sens dans le podcast d’ABC? Il s’avère qu’Elizabeth, telle un petit Poucet a laissé un indice sur son chemin, comme la goutte de sang qui peut révéler nos vulnérabilités. Transposée à l’entreprise, son idée revient à se demander quel diagnostic flash permettrait de détecter son talon d’Achille par anticipation.


Trois leçons d'un désastre

L’analyse du désastre d’Elizabeth permet de détecter trois talons d’Achille liés aux facteurs humains, utiles aux investisseurs désirant faire de l’argent et du bien :

  • L’(a)symétrie des attentions du management : d’un côté, la meilleure des causes : sauver des vies et de l’autre, le pire du management : menacer, harceler, terroriser.

  • La présence d’un piège abscons. Chez Theranos, persévérance et ignorance de la réalité se confondaient, ce qui conduit à de l’entêtement sur une longue période.

  • L’omniprésence d’un triangle dramatique. Elisabeth et Sunny n’ont cessé d’alterner des postures de victimes, sauveteur et persécuteur révélant une vision inquiétante du monde pour des dirigeants.

Même si on peut compatir avec les investisseurs floués, car il est toujours possible de se faire berner, la condamnation d’Elizabeth Holmes peut laisser croire que c’est LA solution. Or, peut-être que nous sommes aussi un peu coupables de valoriser davantage les beaux parleurs plutôt que les chercheurs, les idées éthérées que les réalités prouvées, les levées de fonds que les inventions.

Peut-être aussi que la laborantine qui me fit espérer en Theranos avait raison : ce dont avait besoin Elisabeth, et nous autres quidams, pour changer le monde n’était pas tant d’être adulée, financée, vénérée mais d’être aimée et d’aimer en retour simplement et sincèrement.

Sentimentalement vôtre.


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