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Talent war ou quand Tokyo Crush ouvre des perspectives insoupçonnées pour séduire les ingénieurs

C’est Patrick Pouyanné, PDG de Total qui, selon moi, relança la guerre des talents. Tel un papillon, il créa un effet du même nom qui m’emmena de Paris jusqu'au Japon. Tout commença quand il clama à la Maison de la Chimie, remplie pour les 20 ans de l’ICSI, que Total était séduisant. Luc Rémond (EDF) et Jean-Pierre Farandou (groupe SNCF), deux autres PDG ingés assis à ses côtés furent interpellés. Aux dubitatifs de la salle, le PDG de Total annonçait que son groupe recevait énormément de CV d’ingénieurs motivés !


Il y avait peut-être un brin de sentimentalité qui flotta dans l’air en ce moment de rivalité entre PDG, car toute entreprise se réjouit quand elle est préférée et souffre quand des talents signent chez ses concurrents. Patrick Pouyanné s’adressait peut-être aussi à ceux qui clament « en public » leur désamour pour Total. Pour lui ce qui compte ce sont surtout ces centaines de lettres de motivations reçues «en privé». Certains prétendent que, comme dans les mariages d’intérêt, l’argent y joue son rôle, car si tout le monde ne semble pas vouloir de TOTAL affiché en haut de sa fiche de paye, beaucoup apprécient le total qui figure en bas.


N'oublions pas que la guerre des talents n’est pas un sujet lambda pour ces trois PDG ingés, car leurs entreprises peuvent péricliter faute de talents motivés, leur pérennité est liée à cette guerre sans pitié pour gagner les faveurs de talents convoités. D’ailleurs, elle n’est pas près de se terminer, elle est même la raison d’être des chasseurs de tête qui travaillent d’arrache-pied à débaucher les meilleurs pour aller les vendre ailleurs. Elle nourrit aussi de nombreux publicitaires pour développer des marques employeurs à se pâmer.


Mais comme recrutement rime avec engagement, il faut que cela «match» IRL comme on dit désormais - autrement dit que l'appariement se déroule bien -  et qu’il y ait désir de s’engager. Comme on ne peut les y forcer, il faut … les séduire. C’est une séduction à double tranchant, du donnant-donnant, car, une fois le talent attiré à l’entretien, on le sélectionnera aussi sans pitié comme le gringo de Jacques Vabre le faisait jadis avec les grains de café.


Pragmatiquement, on se dit chez l’Entreprise Sentimentale que quitte à faire la guerre, autant la gagner, alors on reste en veille sur ce qui se pointe à l’horizon en matière de séduction. C’est en déjeunant avec mon amie japonaise à l’élégance rare, dont je tairai le nom car elle aime la discrétion, au restaurant l’Agrume à Paris que le papillon de Patrick Pouyanné muta en une discussion sur le crush nippon.  Alors que j’évoquais l’offensive de Xavier Niel pour faire revenir les talents polytechniciens et normaliens de leur asile économique outre atlantique, mon interlocutrice me répondit : «C’est normal, Ludovic, car il n’y a pas que l’argent qui compte dans le recrutement, il y a surtout, comme dans la rencontre amoureuse, le gap».


«Le gap, kesako ?», lui dis-je, avouant ma virginité en la matière. Le gap vient de Gyappu en japonais. C’est l’écart entre ton apparence, le «à qui» tu t’attends et ton caractère, le «qui» tu rencontres.  Souviens-toi quand, dans la rencontre, tu découvres le fond de la personne derrière la forme de son profil. Quand tu as de la chance, du gap apparaît, c’est quand son être est plus beau que son paraître.  «C’est hyper séduisant» dit-elle en rougissant. «J’aime quand derrière la vulnérabilité de cet inconnu se dégage son honnêteté, sa sensibilité…quand derrière son masque, je rencontre sa beauté.»


Touché par sa poésie toute nippone, mais curieux de voir comment l’utiliser au profit des lecteurs et lectrices de L’Usine Nouvelle, je la challengeais. Certes, mais en quoi les entreprises pourraient en profiter pour recruter ? Et le gap peut être décevant. La DGCCRF a montré des «gaps» surprenants pour Véolia, une entreprise en tête dans les classements ESG ou pour l’Oréal si engagé à rendre le monde plus beau. Toutes les deux sont à l’amende pour payer leurs fournisseurs à plus de 60 jours !


«Effectivement, il arrive que derrière les premiers des classements se cachent des réalités moins reluisantes, mais un gap positif, en matière de séduction c’est une arme fatale. Qui sait, il y a peut-être de l’inattendu, presque de l’incongru chez TOTAL, de surprenantes tonalités, plus vinyles que viril dans son management, ou un détail plus sentimental que martial dans son leadership. En bref, une aspérité cachée qui au fond te fait craquer. Pour les entreprises, le gap ce sont leurs singularités humaines que tu rencontres derrière les généralités des classements qu’elles mettent en avant. Le gap c’est cette bonne surprise qui te donne envie de leur dire oui pour quelques temps ou pour la vie.


Elle ajouta : «Ludo, si tu veux tout comprendre au Gap, je ne vois que qu’une solution. Achète le livre Tokyo Crush, de Vanessa Montalbano, elle t’en parlera encore mieux que moi.»


Bonne lecture


Sentimentalement vôtre



Crédit photo : © Les arènes Komon

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