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Photo du rédacteurLudovic Herman

Seconde vie, ou comment faire prendre une greffe en entreprise

Quelle entreprise se sentant en fin de vie, n’a pas eu envie d’une seconde vie ? Quelle stratégie, trop décalée de la réalité, n’a pas espéré une seconde destinée ? Quelle équipe de direction, proche de l’explosion, n’a pas rêvé d’une seconde chance pour réussir sa mission ? Pour mon propre destin professionnel, ce désir de nouvelle vie est bizarrement né à Louis le Grand quand, à la sortie du lycée, je gagnais au flipper l’extra ball, la chance de continuer à jouer.


Je compris plus tard, qu’en entreprise, on répond à cette préoccupation par la transplantation. On s’inspire d’une solution mi-botanique, mi-chirurgicale, on tente le greffon. Concrètement, quand on sent que la pérennité est menacée ou que la fin est proche, on transplante pour tenter de la dépasser. On chasse, par exemple, des talents à l’extérieur pour les greffer à l’intérieur ou on intègre une acquisition pour renforcer un maillon qui risque de lâcher.


C’est toujours censé réussir sur le papier, mais parfois cela échoue dans la réalité. Financièrement et humainement, les coûts sont élevés et on se console en se disant qu’une greffe ne réussit pas forcément. Certaines dirigeantes, telle Ariane, rencontrée grâce à Aya Nakamura et Socrate (le logiciel de la SNCF qui nous avait placés côte à côte dans un TGV), ne sont pas fatalistes. N’étant elles-mêmes ni botanistes ni chirurgiennes, elles sollicitent l’avis de coach.es, (l’espèce mal aimée de Julia de Funes), qui aident précisément à augmenter le taux de réussite des greffes en entreprises.

  

Ainsi, sur le plan médical, on salue le sacrifice d’un porc au grand cœur génétiquement modifié qui offre le sien pour sauver un homme qui, sans cette greffe, serait condamné. En botanique, février annonce le début des greffes d’arbre fruitiers puis, plus globalement, le marché des produits seconde vie, parfois greffés de pièces détachées, se développe à la vitesse grand V.


Coïncidence ou synchronicité, c’est le jour de cette greffe humano porcine qu’Ariane me proposa de nous retrouver pour un happy hour au Soleil d’Austerlitz, ce chaleureux café parisien situé face à la Pitié-Salpêtrière. Ariane, une femme formidable est aussi une dirigeante du genre "pas fan des quotas de genre" comme Julie, elle aussi polytechnicienne. Ariane souhaite connaître mon avis sur la seconde vie «mais en IRL (In Real Life) plutôt que via un URL, "une appli virtuelle de type second life, l’ancêtre du Metaverse", précise-t-elle.


Ariane me demande si je pense que l’engouement pour le segment seconde vie tient du durable ou de l’effet de mode jetable. Ma réponse est immédiate : "Du durable, quand il s’agit de produits dont la vie est prolongée, car ils sont réparés. Dans ce cas, le bon sens de l’économie circulaire remplace le non-sens de l’obsolescence programmée.  Mais de l’effet de mode, quand on affuble du sticker seconde vie, à la Fnac et ailleurs, des produits déflorés car ils ont été simplement déballés ou écornés."  


Oui, enchaîne-t-elle, : "c’est faire trop de cas de la vertu associée à la virginité des produits manufacturés. Imagine Jean Baudrillard, l’auteur du système des objets, rigolant à s’en ressusciter que notre société de consommation humanise désormais les objets quasi neufs en leur donnant une seconde vie". D’ailleurs parlons peu, mais parlons bien. L’entreprise que je dirige a aussi sauté le pas de la seconde vie. Comme Ikea, Darty, Jacadi,… des cadors du dernier cri, nous investissons dans la seconde vie de nos produits. Même si nous sortons plusieurs collections par an, nous visons aussi ce marché en expansion qu’on appelait il y a peu l’occasion. Hier fan des produits sous blister nous aimons désormais, comme Vinted ou Back Market, la seconde main. Quand je pense que nous laissions aux commissaires-priseurs, brocanteurs et autres ferrailleurs le soin et le profit (!) de s’occuper de nos produits usagés !  Nous avons réalisé que le dépeçage de nos produits en fin de vie qu’on appelle recyclage ne leur donne qu’une chance de se réincarner mais pas de durer beaucoup plus longtemps.


Ariane, après avoir commandé une planche mixte, enchaîne : "Ludo (elle préfère mon surnom à mon prénom), s’il te plait continue à changer mon nom si tu relates des extraits de notre soirée car j’ai un secret un peu perché à te confier. Sache que je crois que, dans la vie comme dans l’industrie, seconde vie rime avec greffe réussie. Moi qui ai plus de 50 ans, j’aimerais me greffer des suppléments …d’âmes plutôt que des organes, des prothèses ou des produits de synthèse.  Oui, car je crois dans la second adulthood de Charles M. Blow du NY Times qui fait fureur aux USA et qui promet qu’après la midlife crisis ta vie peut être augmentée d’existentialité. Dans cette seconde vie, on te permet de mieux discerner l’essentiel de l’accessoire, l’utile du futile. En attendant dis-moi comment les coachs de l’entreprise sentimentale peuvent m’aider à réussir les greffes dans mon entreprise ?"


Alors qu’un véhicule Urgence Greffe passe en trombe vers la Salpêtrière, je réponds "Cela me donne des frissons cette sirène à l’unisson de ton ambition, alors laisse-moi faire un parallèle avec le système français. Dans notre pays, nos dons anonymes de sang, de sperme, d’ovocites,… et de tous nos organes encore vivants sont … gratuits. Ils « offrent » des secondes vies à d’autres anonymes qui sinon seraient condamnés. Comme dans Réparer les vivants*, le roman que j’aime tant, je crois qu’en entreprise comme dans la vie il faut jouer sur deux volets. Il faut augmenter la générosité, l’envie de donner et réduire le pourcentage de rejets en détectant tôt les risques d’incompatibilité.


Pour augmenter la générosité, c’est-à-dire l’acte de donner sans réciprocité, très différent du donnant-donnant, il faut que tu inities, encourages et remercies les donneurs. Cela incitera celles et ceux qui donnent déjà et poussera les autres à essayer. Commence tes réunions par stimuler les mercis aux autres membres de l’équipe, comme le fait chez KW Fortis Immo tous les mardis. Donne aussi de ton temps, des attentions, des cadeaux modiques dans leurs montants, tu te sentiras peut-être la seule au début, mais le plaisir du don est aussi contagieux que l’omicron !  


Pour augmenter le taux de greffés avec succès il faut aussi réduire les risques d’incompatibilité… humaine et culturelle.  Comme le dit Edgar Schein, une culture est composée de trois niveaux : les comportements, ce qui se voit et se fait, les valeurs, ce qui distingue ce qui est bien de ce qui ne l’est pas et les croyances, ce qu’on croit vrai sans jamais le remettre en question, ce qu’on croit consubstantiel à l’humanité sans le vérifier. Alors, si je te prodiguais un seul conseil, c’est de t’assurer avant la transplantation de ton acquisition qu’elle n’est pas incompatible avec vos croyances profondes. Si c’est compatible, avec des efforts, de la bienveillance et de la régulation de coachs certifiés, tu réussiras. Mais, si vous êtes aux antipodes sur ces niveaux profonds je te déconseillerais vivement de greffer."


Comme l’heure tournait, elle me dit : "avant qu’on quitte cet endroit, chiche qu’on offre la tournée à tous les clients de ce café ?


 - Pourquoi pas, on testera vraiment les effets de la générosité désintéressée".

 

Sentimentalement vôtre



Crédit photo : © Wikicommons

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